Après « Plaidoyer pour un monde plus durable », Nicolas Imbert publie « Repanser la planète ». Directeur exécutif de Green Cross France et Territoires depuis quatorze ans, il défend une écologie de solutions, fondée sur la coopération et la résilience. Entretien autour de l’eau, de la Méditerranée, de l’innovation et des leviers d’action territoriaux.

Dans Repanser la planète, vous invitez à “soigner” plutôt qu’à “gérer” notre environnement. Si l’on applique cette approche à l’eau et aux océans, que signifie concrètement “panser” ces milieux vivants ?
Panser, c’est reconnaître que les milieux aquatiques sont des organismes et écosystèmes vivants, capables de se régénérer dès qu’on cesse de les maltraiter. En Méditerranée, nous l’avons observé : en vingt ans, la qualité des eaux de baignade s’est améliorée au cœur des villes, la posidonie recommence à se régénérer, la biodiversité revient. L’eau a cette capacité à se renouveler sur des cycles courts, de trois à sept ans. Chaque progrès sur l’eau est un progrès pour le climat et la santé humaine.
Vous rappelez que l’eau est le premier marqueur du dérèglement climatique. En quoi la crise de l’eau, douce et salée, symbolise-t-elle la nécessité de “repanser la planète” ?
Parce que tout part de l’eau : c’est la seule ressource non substituable nécessaire à la vie, à l’alimentation, à l’énergie, à nos usages urbains. Or, nous entrons dans une ère de contrastes avec des sécheresses extrêmes d’un côté et des épisodes de pluies torrentielles de l’autre. L’intrusion des eaux saumâtres dans les nappes d’eau douce s’accélère. Cela nous oblige à changer de rapport à l’eau : la considérer non plus comme une matière première à exploiter, mais comme un bien commun à ménager et à partager.
Comment faire de cette ressource, aujourd’hui source de tensions, un moteur de coopération et d’innovation territoriale ?
L’eau est un formidable levier de dialogue. Historiquement, les sociétés se sont construites autour d’elle. Nous devons renouer avec cette “démocratie de l’eau”, pour retrouver du sens collectif. Les territoires doivent se doter de plans d’action concrets, identifier leurs vulnérabilités, et passer d’une logique de réaction à une logique de transformation. L’eau peut devenir un creuset de résilience, si elle est au cœur de la planification territoriale et des choix économiques.
Vous évoquez souvent les innovations autour du cycle de l’eau. Quelles solutions vous paraissent les plus prometteuses aujourd’hui ?
Nous savons techniquement dépolluer, recycler, régénérer les eaux même très altérées. L’économie circulaire de l’eau est une réalité dans certains territoires : on parle traditionnellement des 7 vies de l’eau.
En revanche, la France est globalement en retard sur la réutilisation des eaux usées, les circuits fermés ou la tarification progressive. Les leviers existent : tarification sociale, innovation technologique, gouvernance partagée… L’enjeu est de faire converger ces outils
L’innovation peut-elle aussi passer par le dessalement de l’eau de mer ?
Oui, si on en maîtrise l’empreinte environnementale, qu’il s’agisse d’énergie ou de biodiversité. En complément des nécessaires économies d’eau et dans un bouquet de solutions efficientes – les fameux 4D du déconcentré, diversifié, décarboné et démocratique, le dessalement peut être utile et adapté dans de nombreux contextes en particulier côtiers ou insulaires et ce, d’autant plus, s’il est intégré à une gestion territoriale globale. C’est un outil pour sécuriser l’accès à l’eau.